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23 juin 2012 6 23 /06 /juin /2012 22:53

Jean-Michel arrive à l’accueil de l’hôpital André-Rossel, de Francortville, suivi de près par l’officier Giraud.
-  La chambre de l’agent Thierry Bernal, s’il vous plaît, demande-t-il à l’infirmière de garde, en montrant son insigne de police.
-   Attendez, je regarde… C’est la, euh…, la 204, au second.
-   Merci beaucoup. Allez, Giraud, on y va…
Les deux hommes s’approchent de l’ascenseur qui semble les attendre, les portes ouvertes. Ils s’y engouffrent, accompagné par un interne, le nez plongé dans un rapport médical. Arrivé au deuxième étage, Jean-Michel trouve assez vite la chambre de Thierry, située juste à côté de l’ascenseur. Il tape discrètement à la porte puis entre sans faire de bruit.
-   Tu peux arrêter le mode infiltration, je suis tout seul et bien réveillé, lui dit Thierry, tout sourire.
-   Salut Titi ! Content de te voir en pleine forme. Comment va ton bras ?
-   Le doc est content, dit-il en montrant son bras plâtré. Je dois encore rester deux ou trois jours et après, c’est la rééducation. Bon, et toi, quelles sont les nouvelles ? Gargès ? Douchebaïev ? Juliette ? Vas-y, dis-moi, j’en peux plus d’être sans info… Je n’ai vu personne depuis deux jours.
-   Du calme, du calme. Bon, Gargès, pour l’instant, rien. Il n’est pas revenu à Colzamax. Sa maison est surveillée jour et nuit. Il manque une de ses voitures, on suppose qu’il s’est enfui avec. Son signalement et celui de sa voiture ont été transmis au niveau national et international.
Thierry se recale sur son lit, et repositionne son oreiller.
-   Douchebaïev, pas grand-chose non plus. Il est à Moscou, et les autorités russes ne jouent pas trop le jeu pour le moment. Et puis, surtout, on arrive pas à faire le lien avec Gargès. C’est un complice, une cible, un intermédiaire, on en sait rien…
-   J’ai pensé à un truc, mais termine d’abord. Et Juliette ?
-   Toujours en soins intensifs. Le chirurgien qui l’a opérée est réservé à son sujet. J’ai mis sa chambre sous surveillance, on est pas à l’abri de Gargès, qui pourrait avoir envie de…
-   Terminer le travail, oui, tu as bien fait. Et elle est bien gardée ?
-   Oui, deux gardes devant la porte de la chambre et seul le chirurgien peut y entrer, toujours accompagné de deux officiers, au cas où elle parlerait. Si elle sort du coma, bien sûr… Dis-moi, à quoi tu pensais tout à l’heure, sur Douchebaïev ?
-   J’ai eu le temps d’y réfléchir et j’ai mon idée. Ça ne peut pas être un complice, sinon il n’aurait pas à faire des recherches sur lui. C’est donc soit une victime potentielle, mais je ne vois pas trop Gargès s’amuser à aller s’attaquer à un scientifique russe inconnu, trop risqué.
-   Quoi alors ? lui demande Jean-Michel, en s’asseyant sur une chaise, près du lit.
-   Je pense, je suis même sûr, que Douchebaïev a un lien avec les messages que Gargès a reçu… C’est peut-être le chercheur qui a inventé les messages du futur.
-   Et Gargès voudrait avoir la main sur cette invention ?
-   Possible, dit Thierry en faisant jouer ses doigts engourdis. Il ne va pas lui nuire, sinon ça ruinerait ses espoirs mais il peut très bien essayer d’obtenir les secrets de la découverte. Mais comment on peut le savoir ? Argh, c’est frustrant, on peut recevoir des messages du futur mais pas leur parler, ça serait tellement utile…
-   Tu ne peux pas leur parler, lui répond Jean-Michel avec un petit sourire, mais par contre, tu peux leur laisser un message…
L’idée de Jean-Michel est simple : placer dans leurs casiers du commissariat un message, écrit sur une feuille :
«  Il nous faut des informations sur un chercheur moscovite appelé Igor Douchebaïev et sur Gargès, le patron de la société Colzamax. Pour Douchebaïev, nous contacter le 8 février 1997 à 15 heures. Pour Gargès, nous contacter le 8 février 1997 à 15 heures 15. »
Jean-Michel et Thierry gardent pour eux seuls l’existence de ce message, trop soucieux d’éviter les soupçons et les moqueries de leurs collègues et de leur entourage. Il ne leur reste plus qu’à attendre la date fixée, en espérant que leur idée est la bonne.
 

 

***


Le 8 février, dans l’après-midi, Jean-Michel retrouve Thierry à son domicile. Ce dernier est encore en traitement et ne peut pas encore bouger son bras, toujours plâtré.
-   Bonjour ! Prêt à faire la sténo-dactylo ? dit Thierry, en tendant sa main gauche pour saluer son collègue.
-   Oui, je suis prêt. J’espère que « nous » serons au rendez-vous, répond Jean-Michel en se dirigeant vers la cuisine.
-   On verra bien, on verra bien...
Préparez-vous, les gars… Surtout Jean-Michel, il va devoir écrire vite…
Thierry regarde en souriant son ami, qui se détend et sort un bloc-notes et un stylo de sa sacoche. "Il a eu le même message que moi, on dirait", se dit Thierry.
-   Je vais en avoir besoin apparemment… J’ai vraiment une voix de vieillard, ça fait peur, remarque Jean-Michel, qui s’interrompt, le visage fermé. Ah, donc, tu vas recevoir le message, tu me le dictes et je l’écris… Comme ça, on a tous les deux l’information.
-   Je suis prêt, faut pas que ça aille trop vite. Il est quinze heures, enchaîne Thierry en jetant un œil sur la pendule de la cuisine.
Allez, on y va. Bon, pour Gargès, désolé, on n’a rien de concret. On va dire que vous êtes tranquilles pour plus de dix ans.
Thierry répète chaque phrase du message consciencieusement à son ami, qui les note en sténo sur son calepin.
Il a disparu en février 1997, au moment du kidnapping raté de Sierra, et depuis, plus aucune trace. Colzamax a été repris par la suite par son adjoint, Étienne Rodier, et la boîte n’a plus jamais eu de problèmes avec la justice. Pour Douchebaïev, par contre, c’est mieux. À vrai dire, n’importe quel lycéen d’aujourd’hui le connaît… C’est grâce à lui qu’on peut vous envoyer ce message.
Jean-Michel arrête d’écrire et regarde Thierry, stupéfait : « Tu avais raison, bon Dieu ! ».
Il a mis au point le système pour communiquer avec le passé, et ça, pour le monde entier, à partir de 2010. Mais en théorie, il est interdit d’envoyer des messages avant cette date. On s’est demandés d’ailleurs avec Jean-Michel comment vous connaissiez son nom en 1997. On va être clairs : ne faîtes rien.
Thierry répète la dernière phrase puis s’arrête. « Ils sont barges ou quoi ? Ne rien faire ? »
Je sais que tu n’es pas d’accord, Thierry. Je me rappelle de ma réaction, ou de la tienne, comme tu veux… Mais essaie de comprendre : la situation pour nous aujourd’hui résulte du fait que nous n’avons rien fait, à votre époque en 1997. Si vous changez quelque chose, en interrogeant Douchebaïev sur sa future invention, par exemple, vous allez complètement changer le cours de notre histoire. Gargès n’est plus jamais réapparu, ce n’est plus une menace, donc enterrez le dossier. Ça sera tout pour cette fois.
Thierry fait signe que le message est terminé. Quelques secondes après avoir fini d’écrire, Jean-Michel relit ses notes, l’air soucieux.
-   Je suis d’accord avec toi, enfin, le Thierry de 2010 et quelques, dit-il, en rangeant son stylo. Si on fait quelque chose, on risque de chambouler l’histoire future.
-   Bon, bon, d’accord pour Douchebaïev, on oublie les recherches. Mais pour Gargès, c’est louche, non ? Il disparaît pendant plus de dix ans, sans début de commencement de pistes…
-   Oui, je sais, mais qu’est-ce que tu veux y faire ? demande Jean-Michel. Il est peut-être mort et on n’a jamais retrouvé son corps.
-   Peut-être, peut-être, réfléchit Thierry en se grattant le menton, masqué par une barbe épaisse. Bon, il faut espérer que Juliette sorte de son coma… Toujours aucune amélioration ?
-   Non, ça reste stable. J’y passe tous les jours au cas où, mais rien pour le moment.
-   Bon, on va enterrer le dossier comme on nous a demandé et… 

Salut Thierry ! Dis à Jean-Michel de se préparer, on a des infos pour vous.
Toujours sa voix dans la tête, mais le ton est différent, le timbre aussi. Peut-être un message encore plus loin dans le futur. Thierry regarde à nouveau la pendule. Quinze heures quinze, l’heure pour les renseignements sur Gargès. Complètement inespéré.
-   Jean-Michel, ressors tes crayons, tu vas encore être utile.
-   Quoi, je…
-   Tu n’as pas eu de messages ? Vite, vite, je vais te dicter. Dépêche-toi !
Jean-Michel pose à toute vitesse son bloc-notes sur la table, prend un stylo et se prépare à écrire à nouveau.
Bon, alors, Igor Douchebaïev, on a pas grand chose à vous dire. Il semble que c’est un physicien russe, prof à Moscou, sans histoires. Le gars est mort dans un accident de voiture en 1999.
Toujours sous la dictée, Jean-Michel, s’interrompt : «  C’est quoi, ces conneries ? ».  Thierry lui fait signe de se taire.
En revanche, Gargès, Philippe Gargès, ça oui, tous les gamins de primaire connaisent son histoire. Pour faire simple, c’est grâce à lui qu’on peut envoyer des messages vers le passé.

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19 mars 2012 1 19 /03 /mars /2012 19:58

Le sang de Franck se glace au moment de la triple détonation. Conscient du danger environnant, il interroge Jeanne du regard.

-        On va voir ! Thierry est peut-être blessé, voire pire…

-        Mais attends Franck, Gargès et ses hommes sont encore là. On risque de se faire prendre à nouveau...

-        Je vais pas laisser Thierry, j’y vais, répond Franck, d’un ton déterminé.

-        Mains en l’air ! Bougez pas ! rugit une voix rauque derrière eux. Plusieurs faisceaux lumineux, associés aux fusils d’assaut des hommes du commando d‘assaut, sont pointés sur eux.

-        Mais, je… Nous ne sommes pas… balbutie Jeanne, en levant les mains.

-        Laisse, Giraud, ils sont avec nous, annonce un homme derrière Franck.

Celui-ci se retourne et voit s’approcher Jean-Michel, un revolver au poing.

-        Mais, c’est pas possible… Vous étiez touchés… On vous a laissé par terre sur le parking du cinéma !

-        Oui, je sais, Sierra, mais j’avais un gilet pare-balles. Je ne pars jamais sur le terrain sans. Pour m’éviter une balle en pleine tête, j’ai dû faire le mort quoi. Dès que vous êtes partis dans la fourgonnette, j’ai prévenu le Central avec les infos sur le camion et les papiers des gars qu’on avait descendus et on est là. Bon, où est Thierry ?

-        Ben, c’est le problème, lui dit Franck, le visage grave. Il y a eu trois coups de feu et Thierry était toujours dans la cour à ce moment-là.

-        OK. Allez, les gars, on y va, chuchote Jean-Michel à ses hommes. Et vous deux, restez là, avec l’agent Farnetti, ajoute-t-il à l’attention de Franck et Jeanne.

Le commando s’introduit silencieusement dans la propriété et s’avance vers le seuil de la maison, toujours éclairé par les lumières venues de la petite dépendance où se trouvait Gargès. Au beau milieu de la cour, sur le gravier blanc, le corps de Thierry gît, inanimé.

-        Fouillez la maison, murmure Jean-Michel à son second. Et sécurisez les alentours. Gargès est sûrement encore là. Si vous trouvez des complices, il nous les faut en vie… Et appelez une ambulance, vite !

Jean-Michel s’accroupit près de Thierry et pose sa main sur sa jugulaire. Il ne peut s’empêcher de sourire en sentant le pouls faible sous ses doigts. La radio accrochée à sa taille crachote :

-        Le rez-de-chaussée est vide. Aucune trace de suspect. On passe aux étages…

-        Bien, et les secours ? demande Jean-Michel en portant le talkie à ses lèvres. Ça arrive ?

-        Ils sont en chemin, chef, ils sont là dans les cinq minutes.

-        Merci, Giraud.

-        Jean-Michel ? murmure Thierry faiblement en ouvrant les yeux. Qu’est-ce que tu fous là ?

-        Le gilet, mon gars! Et toi, t’as encore eu de la chance… Pas de gilet, et tu t’en sors juste avec une blessure au bras. Elle a l’air assez moche d’ailleurs. Raconte-moi, il est où, Gargès ?

-        J’ai laissé Franck et Jeanne partir vers la grille et je me suis approché de la petite dépendance qui est là-bas… Deux hommes sont sortis de là, je les ai abattus…

-        Oui, le coupe Jean-Michel, les gars sont en train de les fouiller pour voir si on peut trouver des choses sur Gargès.

-        Et au moment où j’ai regardé vers la sortie pour voir où étaient Jeanne et Franck, j’ai pris une balle dans le bras.

-        C’était Gargès ?

-        Oui, c’était lui. Il s’est approché de moi, toujours sûr de lui… Je pense vraiment qu’il allait me descendre… m’exécuter, quoi, avec une balle en pleine tête mais il s’est arrêté d’un coup.

-        Il s’est arrêté ?

-        Oui, son visage s’est figé, il était hyper concentré. Comme s’il était en train d’écouter…

-        Un message ! Un message, comme nous l’autre jour ! Et ensuite ?

-        Il m’a regardé avec un sourire, encore plus large que d’habitude. Il m’a juste dit qu’on ne le retrouverait jamais. Et puis, il a pris son revolver par le canon et m’a mis un grand coup de crosse dans la mâchoire. Après, c’est le trou noir…

-        D’accord, d’accord… Donc Gargès reçoit des messages aussi, il n’y a pas que nous. C’est quoi ce bordel ? Et pourquoi il t’a épargné ? Ah, voilà l’ambulance qui arrive.

En effet, une ambulance, gyrophares et sirènes hurlantes, déboule dans l’allée et s’arrête près des deux hommes. Jean-Michel aide Thierry à se relever et l’accompagne vers l’arrière du véhicule, où il est pris en charge par un des deux brancardiers.

Jean-Michel s’approche de Jeanne et Franck, qui étaient restés loin de la cour, sous la protection des hommes du commando, qui les ont amenés près de la dépendance. Au moment où le policier s’apprête à interroger le couple, son talkie se fait à nouveau entendre :

-        Chef, on a trouvé la fille, la complice de Gargès. Elle est dans la pelouse, derrière la maison. Elle est dans un sale état...

-        J’arrive, les gars. Restez ici, demande-t-il aux ambulanciers, on va encore avoir besoin de vous…

-        Mon Dieu, c’est Juliette, s’émeut Jeanne, portant les mains sur son visage.

-        Pas besoin de pleurnicher sur elle, lui répond Franck d’un ton sec. Elle nous a trahis, je te rappelle.

-        Oui, je sais bien mais je n’arrive toujours pas à y croire… Comment elle a pu nous faire ça ?

-        Vous deux, vous restez là… les coupe Jean-Michel. Je vous dirai si j’ai besoin de vous, ajoute-t-il en se dirigeant vers l’arrière du bâtiment, accompagné par l’officier Giraud.

Tous les deux passent devant la dépendance, longent le haut mur crépi de la maison et arrivent dans le jardin. Un officier les guide alors vers le fond de la propriété, où deux autres hommes du commando sont accroupis près d’un corps, allongé sur le dos dans l’herbe. Jean-Michel s’agenouille près de Juliette, qui le regarde, les yeux mi-clos, la respiration haletante. Son chemisier blanc est maculé de sang, avec des blessures profondes au niveau de l’abdomen.

-        Juliette, les secours sont là… commence Jean-Michel. Il faut me dire ce que vous savez…

-        Je… Gargès… répond Juliette dans un souffle.

-        Il a disparu. On n’a aucune piste pour l’instant. Si vous savez quelque chose, il faut le dire, maintenant !

-        Il est étrange… depuis quelques semaines, dit-elle avec difficulté. Il m’a demandé d’utiliser Jeanne pour piéger Sierra…

-        Mais pourquoi ? Pourquoi Franck Sierra ?

-        Il… Il représentait une menace… Il allait faire dès lundi un contrôle fiscal poussé chez Colzamax et… Et, ça allait faire plonger Gargès et ses… Ses combines.

-        Mais comment il sait tout ça ? Il voit l’avenir ou quoi ?

-        Je sais que c’est dingue, continue Juliette d’une voix sourde. Il m'a révélé qu’il reçoit des messages du futur… Des messages qu’il entend dans sa tête. C’est…

-        C’est ce qu’il vous a dit ?

-        Oui, il m’en a parlé tout à l’heure et il allait rejoindre les autres dans… dans la dépendance, mais en partant, il s’est arrêté net…

« Un autre message », pense Jean-Michel en fronçant les sourcils.

-        Il est resté sans bouger pendant un moment. Puis il s’est retourné vers moi en me disant qu’il était désolé, qu’il n’aurait pas dû… Et là… 

Juliette s’arrête un instant, cherchant son souffle.

-       Et là, il m’a tiré trois balles, presque à bout portant…

-       Il a reçu un message devant vous. Il doit se tenir informé depuis l’avenir… C’est… c’est fou… Tenez bon, Juliette, je fais venir les secours, termine Jean-Michel en appelant les secouristes avec sa radio.

Quelques secondes plus tard, les deux ambulanciers s’approchent de Juliette et commencent à lui prodiguer les premiers soins.

-       Il y a autre chose, murmure Juliette à l’attention de Jean-Michel. Je sais pas si ça peut vous aider mais… Gargès m’a demandé de faire des recherches sur un physicien russe… Igor…, Igor Douchebaiev.

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16 février 2012 4 16 /02 /février /2012 20:33

Thierry regarde Gargès sans broncher. Ses premières années en école de police lui ont appris à ne rien laisser transparaître face à un suspect ou une menace. Face à lui, le PDG de Colzamax semble s’amuser de la situation, tournant autour de lui tel un fauve avec sa proie. Un peu en retrait, Franck, le teint pâle et mal à l’aise, les observe avec inquiétude.

-        Alors, Bernal, je n’ai pas été assez clair ? Je veux tout savoir du message que vous avez reçu avant-hier, lui redemande Gargès d’un ton sec.

-        Je ne vois pas de quoi vous parlez, lui répond Thierry, le visage fermé.

-        Je m’attendais à cette résistance. Ce n’est pas grave, j’ai tout mon temps. Martelo, Dubreuil, emmenez-les à la cave, on va les laisser décanter quelques heures. Allez ! aboie Gargès à deux de ses sbires.

Les deux hommes de main empoignent Thierry et Franck, toujours menottés, et les emmènent vers une grande bâtisse, de style Art Déco. Après avoir descendu un petit escalier droit vers le sous-sol, ils sont enfermés dans une pièce sombre, avec un petit soupirail comme unique aération. La seule autre issue possible est la lourde porte en acier, de l’autre côté de la pièce, dont Thierry a entendu l’un des hommes de Gargès actionner le verrou.

-        Où est Jeanne ? questionne Franck. Tu l’as vu ?

-        Non, Gargès ne nous en a pas parlé non plus, c’est bon signe, lui répond Thierry. Ne t’inquiète pas, on va s’en tirer.

-        Ah ouais, je vois pas comment… On est enfermés dans une cave, les menottes au poignet et…

-        Chut, lui murmure Thierry. Viens plutôt près de moi, j’ai un trombone dans ma poche arrière. Attrape-le et mets-le dans ma main.

-        Un trombone !? Mais comment tu…

-        Un truc qu’on apprend à l’école de police. Toujours avoir un trombone sur soi. Les menottes n’y résistent pas… Allez, dépêche-toi !

En effet, une fois le trombone sorti de la poche et transmis à Thierry, celui-ci arrive, en le tordant et en jouant sur le mécanisme de verrouillage, à ouvrir ses menottes. Après s’être libéré le second poignet, il en fait de même avec les menottes de Franck.

-        Bon, on fait quoi maintenant ? lui demande Franck, toujours en chuchotant.

-        Il faut trouver un moyen de faire venir un des gars ici pour qu’il laisse la porte ouverte… Laisse-moi réfléchir.

-        Je crois que j’ai une idée, lui dit Franck, un petit sourire revenant sur son visage.

* * *

Dix minutes plus tard, l’homme posté devant la porte de la cave entend des éclats de voix venant de l’intérieur. La voix grave de Franck résonne.

-        Putain, j’en ai marre ! C’est à cause de toi qu’on est là. Tu fais chier !

-        C’est comme ça que tu me remercies, connard ! hurle Thierry, hors de lui. Je t’ai sauvé la peau, j’te rappelle. Alors, arrête de me gonfler !

-        Ouais, et en attendant, je sais pas où est ma copine. C’est de ta faute ! Je vais te casser la gueule !

-        Et ben, vas-y, bonhomme, vas-y !

Au même moment, l’homme déverrouille la porte, une arme au poing et entre dans la pièce. Caché dos au mur, Thierry s’empare du poignet tenant l’arme et d’un coup de coude en plein visage le met au tapis. Franck, tapi dans un coin de la pièce pour éviter toute balle perdue, s’approche du corps de l’homme et entreprend de le fouiller. Il ne trouve rien qui pourrait leur être utile.

-        Bien joué, Franck. T’es un bon comédien en fait… Bon, il faut être super discret, reprend Thierry sérieusement. On ne sait pas combien Gargès a de gars avec lui. J’en ai vu au moins cinq. Je passe devant, puisque je suis armé et tu me suis, d’accord ?

-        Compris. Il faut retrouver Jeanne et vite...

Les deux hommes parcourent les pièces du sous-sol, sans y trouver autre chose que des caves, vides pour la plupart. Ils montent avec prudence un escalier de service, différent de celui qu’ils avaient emprunté, quelques instants plus tôt, lors de leur descente vers la cave. Arrivés au rez-de-chaussée, ils débouchent dans une cuisine et entendent une voix d’homme, dans la pièce voisine. En passant près des outils de cuisine, Thierry aperçoit un petit couteau et s’en empare. Devant la porte fermée, Thierry regarde Franck et lui fait signe de faire silence. Thierry prend le couteau en main, entrouvre la porte et voit un des hommes de Gargès en train de téléphoner, de dos, dans sa ligne de mire. D’un geste précis, il lance l’arme, qui vient se planter sous l’omoplate gauche de l’homme qui s’effondre silencieusement.

-        Allez, vite, viens, dit Thierry à Franck. Il faut trouver Jeanne. Faut fouiller toutes les pièces.

Le rez-de-chaussée, fouillé de fond en comble, ne donne rien. Franck et Thierry s’engagent donc par un escalier vers l’étage. Après s’être tapi dans plusieurs recoins à chaque bruit suspect, Thierry arrive à neutraliser par un étranglement un des hommes, qui semblait monter la garde devant une des chambres du bâtiment. La porte verrouillée ne résiste pas au trombone du policier et s’ouvre sans bruit. À l’intérieur, ils y trouvent Jeanne, ligotée sur une chaise et bâillonnée. Pendant que Franck entreprend de la libérer, Thierry part explorer les autres pièces de l’étage, à la recherche de Gargès . Il revient cinq minutes plus tard, circonspect.

-        Alors ? lui demande Franck, en enlevant les derniers liens, autour des poignets de Jeanne.

-        Je comprends pas, répond Thierry. Il est nulle part, c’est bizarre. Ne perdons pas de temps, il faut partir d’ici.

-        Comment on va quitter le coin, on a pas de voiture… interroge Jeanne.

-        On va se débrouiller, lui dit Thierry, avec un clin d’œil.

Tous les trois redescendent vers le rez-de-chaussée, Thierry en premier, l’arme au poing, prêt à tirer, Jeanne et Franck quelques mètres derrière lui. Ils arrivent dans la cour, qui est déserte. Ils aperçoivent alors une dépendance, située une cinquantaine de mètres en retrait de la maison, avec plusieurs fenêtres éclairées.

-        Qu’est-ce qu’on fait, Thierry ? Gargès doit être là-dedans !

-        On prend pas de risque, on s’en va… On va partir par là, au bout du chemin, répond Thierry en désignant la grande grille en fer forgé, à peine visible dans la profondeur de la nuit tombante. Allez-y tous les deux. Vous allez jusqu’à la grille et vous m’attendez. Je vous rejoins…

-        OK, dit Franck en prenant Jeanne par la main et en se prenant soin de ne pas faire trop de bruit sur le gravier blanc.

Thierry laisse partir ses amis et surveille la dépendance, guettant l’irruption de Gargès et de ses hommes. Comme il s’y attendait, à l’instant où Franck et Jeanne arrivent à la moitié du chemin, deux ombres sortent du bâtiment. Thierry dégaine son pistolet et, de deux tirs rapprochés, abat les deux hommes qui s’écroulent sur le sol. Il part alors en courant vers la dépendance et, en reprenant son souffle, en profite pour regarder où se trouvent Franck et Jeanne. Alors qu’il parvient à distinguer deux ombres s’approchant de la grille de la propriété, Thierry pousse un cri en sentant une douleur atroce brûler son avant-bras, ce qui lui fait lâcher son arme. Dans le halo de lumière dégagée par la dépendance, Gargès, seul, s’approche de lui, un automatique à la main.

-        Finalement, on savait tous les deux que ça allait se passer comme ça, Bernal… lui dit Gargès, le sourire aux lèvres. J’espérais un duel un peu plus… ,disons corsé…

-        Ta gueule, Gargès, répond Thierry, les dents serrées, tombé à genoux sous la douleur de son bras touché. Tu me fais gerber.

-        Je déteste la vulgarité, dit l’homme d’affaires en armant son pistolet et en le dirigeant vers la tête de Thierry.

Au moment où ils arrivent sur la route bordant la propriété, Franck et Jeanne entendent trois coups de feu, secs et rapprochés, au beau milieu du silence de la nuit.

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9 février 2012 4 09 /02 /février /2012 19:10

Le lendemain matin, rasé de près et d’excellente humeur, Thierry arrive parmi les premiers à la Brigade centrale. Comme lui, Jean-Michel Cormier est assez matinal et s’est installé dans son repaire : une petite table isolée, près de la fenêtre, dans la cafétéria du commissariat. À la vue de Thierry, Cormier se lève et lui serre chaleureusement la main, la mine soucieuse.

-        Salut Titi, tu vas bien ?

-        Salut, Jean-Mi ! Ça va, oui, je vais te raconter ce qui m’est arrivé hier, tu ne vas pas me croire…

-        Mouais, je pense que j’ai mieux, mais vas-y commence.

Et Thierry lui raconte alors dans les détails le message qu’il a reçu la veille à la fin de son cours de judo et l’agression subie par Franck Sierra. La nuit a été courte pour lui puisqu’il s’est chargé lui-même d’amener l’homme engagé par Gargès au poste pour le laisser aux mains des enquêteurs de la brigade criminelle.

-        C’est incroyable, tout ça ! T’es sérieux, t’invente rien, là, Titi ? dit Jean-Michel, surpris.

-        Non, non, tout est vrai. Bon, et toi, Jean-Mi, qu’est-ce qu’il t’est arrivé ? Raconte !

-        En fait, sur certains points, ça rejoint ton histoire… J’ai reçu moi aussi un message, euh… dans ma tête quoi, comme toi. Ça ressemblait à ma voix mais cassée par la clope, une horreur. Bref, cette voix m’a demandé d’enquêter sérieusement sur Gargès, le PDG de la société Colzamax. Il était question de soupçon de corruption et de pots-de-vin…

-        Gargès ? Tu es sûr ? C’est fou, ça peut pas être une coïncidence… Qu’est-ce qui relie les deux messages ?

-        Facile, le gars que tu as amené cette nuit a été cuisiné et il a bien balancé… Il se trouve que ton copain, Sierra, il est commissaire aux comptes et il doit aller éplucher les comptes de Colzamax à partir de lundi matin.

-        Et l’agression d’hier, c’était de l’intimidation pour qu’il renonce ?

-        Oui, et apparemment, Gargès a des plans de secours en cas d’échec, comme ça a été le cas hier, grâce à toi, dit en riant Jean-Michel en tapant sur l’épaule de Thierry, Tu sais que le gars a encore la trace de ton étranglement !?

-        Il faut savoir ce que Gargès manigance, sinon Franck va encore être en danger… Je dois aller au ciné avec lui et sa copine demain soir. Est-ce que le gars a dit d‘autres choses ?

-        Ben t’es en plein dedans… Le plan B, c’est pour demain soir. Sierra doit être surveillé en permanence. Apparemment, le même scénario qu’hier serait prévu… Je vais t’accompagner discrètement au cinéma. Le film est à quelle heure ?

-        Vingt-et-une heures, rendez-vous vingt minutes avant devant le ciné... « La rançon » avec Mel Gibson, désolé, dit en souriant Thierry, après avoir vu la moue de Jean-Michel. Mais on n’y va pas pour regarder le film…

 

*  *  *

 

Franck et Thierry, suivis par Jeanne et sa colocataire Juliette, quittent le parking du cinéma et s’approchent de l’entrée. Après avoir acheté leurs tickets puis cédé aux caprices des filles pour un pot géant de pop-corn, tous les quatre se retrouvent dans la salle, au beau milieu des autres spectateurs, attendant le début du film.

-        On revient, dit Juliette en se levant en compagnie de Jeanne, laissez nous du pop-corn, les gars.

-        Bof, t’inquiète pas, répond Thierry, j’aime pas ça. Mais je surveille Franck, promis, enchaîne-t-il en regardant les filles s’éloigner vers les toilettes, situées à l’extérieur de la salle.

-        Tu sais, ce qui s’est passé jeudi soir… commence Franck, avec hésitation, je sais pas comment te remercier. Tu m’as…

-        C’est normal, Franck, le coupe Thierry, je suis flic. C’est mon boulot, tu sais.

-        Oui, je sais, je sais. Depuis quelques jours, c’est vraiment dur. Les menaces, les intimidations, j’ai jamais connu ça depuis le début de ma carrière…

-        C’est lié à Colzamax ? demande Thierry et voyant la mine surprise de Franck, il rajoute : "Le gars qui a voulu t'agresser jeudi soir a tout avoué une fois au poste... Il était envoyé par Gargès."

-        Ah, d'accord... Oui, tu sais, Gargès, c’est loin d’être un saint… Il est mêlé à plusieurs affaires d’emplois fictifs, de blanchiment, bref, du pain béni pour nous, les CAC.

-        Les CAC ?

-        Les Commissaires aux Comptes, quoi… C’est comme ça qu’on…

Franck est interrompu par Juliette qui se met face à eux, complètement essoufflée :

-        Thierry ! Franck ! Vite, venez, Jeanne a fait un malaise ! Elle voulait prendre l’air et s’est évanouie dehors !

D’un bond, les deux garçons se lèvent de leurs sièges et arrivent près de la sortie. Au moment où ils passent la porte battante de la salle, Jean-Michel, qui les avait suivis de façon discrète, quitte sa place et sort à leur suite. Le groupe quitte l’enceinte du cinéma et se dirige vers le parking.

-        Où elle est ? s’étonne Franck en regardant autour de lui, je la vois pas !

-        Elle est pas là… dit Juliette, l’air hagard, je comprends pas…

Au moment où Franck s’apprête à répliquer, un fourgon s’arrête devant eux et deux colosses en descendent. L’un d’eux sort un pistolet de petit calibre tandis que l’autre ouvre les portes arrière du véhicule puis s’approche de Franck.

-        Allez, Sierra, monte ! dit-il d’un ton sec. Et si tu veux revoir ta copine en vie, fais pas le héros…

-        Bande de… commence Thierry, qui tente de s’emparer de l’arme mais doit reculer, l’autre homme sortant lui aussi un automatique.

-        Et toi, Bernal, tu vas venir aussi, le patron aimerait bien savoir pourquoi tu colles aux basques du comptable depuis quelques jours…

Thierry ouvre la bouche pour répondre mais un coup de feu se fait entendre. Le plus petit des hommes armés pousse un cri et pose la main sur son cou. À travers ses doigts, le sang s’écoule abondamment et il s’affaisse sur le sol dans un bruit sourd. Franck et Thierry se retournent immédiatement dans la direction du coup de feu et voient Jean-Michel sortir d’un buisson, l’arme au poing.

-        Bougez pas ou je tire. Et toi, le gros, jette ton flingue ! dit-il en braquant son arme sur le deuxième homme.

Jean-Michel s’approche doucement du fourgon quand deux détonations éclatent simultanément. Sous le regard de Thierry, Juliette et Franck, le deuxième homme de main s’écroule, une tache rouge sombre s’étendant rapidement au niveau de sa poitrine. « Bien joué, Jean-Michel ! » crie Thierry en se tournant vers son ami, pour le voir à son tour s’effondrer, touché à l’estomac.

-        Jean-Michel ! hurle Thierry en courant vers lui. Venez m’aider, Juliette, il faut le mettre sur le…

-        Tais-toi, Bernal, répond sèchement Juliette en sortant un automatique de sa veste en jean. Monte dans le fourgon avec ton copain. Et n’oublie pas, si je n’appelle pas le patron dans cinq minutes, dis au revoir à Jeanne. Allez, on se bouge !

Thierry doit s’exécuter, laissant son ami agonisant sur le bitume. Franck le rejoint à l’arrière de la fourgonnette, qui est totalement isolé du poste de conduite. Juliette referme les portes derrière eux, les verrouille et s’installe au volant. À travers la cloison métallique, Thierry entend Juliette faire le compte-rendu de la soirée au téléphone.

-        Putain, Jean-Michel, faut pas le laisser là… dit Thierry, la voix tremblante.

-        On peut rien faire pour lui, Thierry, chuchote Franck. Je sais même pas où elle nous emmène, cette fille.

-        Bah, on va faire la connaissance de Gargès, c’est sûr.

Le fourgon démarre et roule pendant une vingtaine de minutes, enchaînant routes de campagne cahoteuses et portions de voie rapide, avant de s’immobiliser. Franck et Thierry entendent Juliette descendre du fourgon et donner quelques ordres. Une minute après, les portes du véhicule se déverrouillent et s’ouvrent. Deux hommes armés les tiennent en joue tandis que deux autres grimpent à leur rencontre et les menottent, après les avoir rapidement fouillés. Franck et Thierry descendent et se retrouvent nez à nez avec un homme, de grande taille, élégamment vêtu, un cigare aux lèvres.

-        Bienvenue, messieurs, dit-il en prenant son cigare en main, avec un léger sourire. Il pose son regard sur Franck qui devient blême. "Je vous attendais, Sierra. Vous avez été difficile à attraper mais j’y suis arrivé.

-        Gargès, espèce de fumier, murmure Thierry, hors de lui.

-        Et je vous attendais aussi, Bernal, reprend Gargès en regardant froidement Thierry. Bravo pour votre intervention avant-hier. Vous m’avez débarrassé de Paulsen, je comptais le liquider de toute façon. Il est mieux entre les mains de la police, je ne crains rien… À présent, vous allez me raconter dans le détail le message que vous avez reçu jeudi soir…

 

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5 février 2012 7 05 /02 /février /2012 11:26

-        Matte !

La voix forte du maître résonne dans le dojo et stoppe net tous les judokas. Christian appuie sur son chronomètre et rajuste sa veste. A l’autre bout de la salle, à bout de souffle, Thierry et Franck se saluent puis se rhabillent rapidement en venant se placer face à leur professeur.

-        Allez, on passe aux étirements, chacun à son rythme… N’oubliez aucune articulation, aucun muscle, prenez votre temps…

Chacun commence donc ses étirements musculaires, afin d’éviter les crampes et autres désagréments postérieurs à des efforts intenses comme un cours de judo.

-        Bon, n’oubliez pas ce week-end, c’est le tournoi qualificatif pour les championnats de France 1997… Je compte sur vous pour représenter dignement le club.

Thierry, écoute-moi attentivement…

Thierry se retourne, son regard tombant sur Mathilde, une des débutantes du cours. Elle lui sourit puis reprend ses étirements sans lui prêter plus d’attention. Il regarde alors autour de lui mais tout le monde semble concentré sur ses mouvements articulaires. « Bon sang, j’ai pas rêvé, se dit-il, qui m’a parlé ? »

Écoute-moi bien… Je ne peux pas trop t’expliquer, mais Franck Sierra est en danger. Tu dois le protéger sans qu’il ne se rende compte de rien. Et va voir Jean-Michel Cormier demain matin, il t’expliquera. Ne parle de ça à personne d’autre que lui.

Thierry ferme les yeux et réfléchit quelques instants. Cette voix dans sa tête, c’était sa propre voix. Mais avec une assurance qui ne lui ressemblait pas trop. Pourtant Thierry avait obtenu avec facilité sa ceinture noire la saison dernière mais, hors des tatamis, il était timide et réservé, pas un mot plus haut que l’autre.  Seul le judo le galvanisait et faisait ressortir cette confiance et cette sérénité qu’il avait en lui.

-        Eh, Thierry, ça va ? T’as l’air complètement ailleurs !?

-        Oui, ça va, Franck, t’inquiète. Je pensais juste à ce que j’allais faire ce week-end… Tu as prévu quoi, toi ?

-        Je vais voir avec Jeanne. Elle voulait aller au ciné samedi voir « La rançon », tu sais avec Mel Gibson. Ça ne me dit pas trop mais bon, on vient de se rencontrer, je vais pas commencer à faire des histoires. Et toi ?

-        Ben, le tournoi va me bouffer mon dimanche et le samedi, je sais pas encore. Je verrai bien.

Thierry repense alors à cette voix et ce message qu’il est apparemment le seul à avoir entendu. Protéger Franck Sierra ? Bon, OK, il est débutant en judo mais pourquoi le protéger ? Il ne comprenait pas, mais, en bon élève de l’école de police, il allait suivre ce qui pour lui ressemblait à un ordre direct. Et puis, même s’ils ne se parlaient vraiment que depuis quelques semaines, Franck avait l’air sympa et Thierry se dit que ça serait l’occasion de mieux faire connaissance. Et que venait faire son ami Jean-Mi dans cette histoire ? Il lui tardait de le retrouver avant la formation demain matin. Il fallait qu’il trouve un moyen pour rester avec Franck un maximum de temps ce week-end…

-        Euh, Franck, ça m’embête de te demander ça, mais je peux t’accompagner au ciné samedi? Je sais que ça se fait pas mais…

-        Pas du tout, au contraire. En fait, ça m’arrange parce que Jeanne avait proposé à une de ses colocs de venir avec nous. Je dis pas ça parce que tu es célibataire en ce moment, mais au moins, elle ne tiendra pas la chandelle toute seule, quoi…

-        Pas de problème, répond Thierry. On se retrouve vers quelle heure ?

-        La séance est à 21 heures, on peut se dire rendez-vous vingt minutes avant devant le ciné. Ça te va ?

-        Très bien, ça marche.

-        Thierry, Franck, si vous vous étiez donnés à fond pendant les randoris, vous devriez être incapables de parler avant un bon quart d’heure…

Christian les regarde avec un sourire en coin et annonce la fin du cours avec le salut traditionnel. Thierry quitte le tapis et décide de téléphoner à Jean-Michel dès qu’il sera rentré chez lui. Arrivé le premier dans les vestiaires, il se dépêche de se dévêtir pour pouvoir choisir la meilleure douche, celle du fond avec un jet puissant qui soulage son corps éreinté par les randoris à répétition.

Après une dizaine de minutes sous la douche, Thierry se rhabille et s’apprête à quitter le dojo quand Christian l’interpelle dans le couloir : « Thierry, tu as deux minutes ?

-        Oui, bien sûr.

-        Bon, j’ai eu la Commission arbitrale ce midi au téléphone... Il leur manque du monde pour arbitrer les cadets dimanche après-midi. J’ai pensé à toi pour prendre en charge une ou deux tables.

-        Ouais, d’accord, si je suis en état après les qualifs, répond Thierry d’un air malicieux.

-        Bon, si tu combats correctement dimanche, ça ne devrait pas te poser de problème. On se voit là-bas dimanche matin, rendez-vous à 9 heures. OK ?

-        Très bien. Bonne soirée, Christian.

-        Bonne soirée, Christian, dit Franck qui passe à cet instant près d’eux, et bon week-end. À samedi, Thierry !

-        Bonsoir les gars, leur dit le maître, en se dirigeant tranquillement vers les vestiaires pour filer sous la douche.

Thierry arrive au bout du couloir et voit Franck passer la porte d’entrée et se diriger vers sa voiture. Au moment où il la contourne pour arriver vers le côté conducteur, Thierry voit une silhouette massive s’approcher de Franck.

-        Franck, fais gaffe, derrière toi !

Au même moment, l’homme saisit Franck par l'épaule, l’agrippe par le col de son blouson et le plaque violemment contre la portière. Thierry lâche son sac de sport et court vers les deux hommes.

-        Lâche-le, connard et viens ici ! crie-t-il en s’approchant d’eux.

L’homme se retourne vers Thierry et le toise. Au moment où Thierry se rapproche encore d’eux, il met un violent coup de coude à Franck puis s’échappe vers le cimetière. Thierry jette un coup d’œil à Franck, à moitié groggy et le nez en sang, puis se lance à la poursuite de son agresseur. Bien aidé par sa condition physique, il arrive à le rattraper deux cents mètres plus loin et l'empoigne par l’arrière de son col. Surpris, l’homme se retourne et tente de lui asséner un violent coup de poing au visage. Un coup que Thierry évite en se saisissant du bras de son adversaire et, d’un geste souple et précis, en tirant sur son poignet, il parvient à se retrouver derrière lui. Avant que l’autre ait pu réagir, Thierry place son avant-bras sous la gorge de son adversaire et commence à lui compresser la carotide. Hadaka-jime, son étranglement favori, il pouvait le faire les yeux fermés, il l’avait fait sans même réfléchir. Pour maîtriser complètement la situation, Thierry tire d’un coup sec vers l’arrière son opposant qui se débat puis se retrouve à genoux, sans aucune défense.

-        Si je continue la pression sur ta carotide pendant trente secondes, tu t’évanouis. Pendant une minute, c’est le coma…

L’homme tente de se défaire de l’emprise de Thierry, qui resserre encore un peu plus son étreinte.

-        Qu’est-ce que tu veux à Franck Sierra ? lui chuchote nerveusement Thierry à l’oreille. Parle, ou je t’envoie à l’hosto, je te garantis.

-        OK, OK, répond l’homme dans un souffle. On m’a envoyé ici… pour foutre… la trouille… à ce gars.

-        Foutre la trouille, pourquoi ? C’est une blague ou quoi ? demande Thierry en relâchant un peu la pression pour permettre à l’homme de parler.

-        Non, non, non, j’suis sérieux. Un mec m’a filé trois mille balles pour faire ça.

-        Pas de chance, mon gars, je suis flic et tu vas pas échapper à une nuit au poste. Qui c’est, ce mec, tu le connais ?

-        Non, je l’ai jamais vu, je connais que son nom, dit l’homme en reprenant sa respiration. Son nom, c’est Gargès.

 

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3 février 2012 5 03 /02 /février /2012 20:23

Max regarde son père avec étonnement :

-        Quoi ? Tu me demandes qui est Thomas ? Tu plaisantes ou quoi ?

-        Non, Max, je suis sérieux. Qui est-ce ? C’est un nouveau copain ? Ton prof de krav-maga ?

-        Mais non, papa… Max s'arrête de parler puis reprend : "Pfff, et tu crois que je marche encore à une de tes blagues !?"

-        Max, dis-nous qui est ce garçon, dit Alice, la mère de Max, en entrant dans le salon.

-        Je… Non, mais c’est pas vrai ! Vous ne savez vraiment pas qui c’est… ? Thomas, le fils de Jeanne et Franck Sierra ! s’emporte Max, sous le coup de l’émotion. On est dans la même classe depuis la cinquième et ils habitent en face de chez nous ! Papa, dit-il en regardant son père, le rouge aux joues, tu connais Franck depuis plus de vingt ans, vous étiez dans le même club de ju…

-        De judo, à Francortville, oui, je sais, l’interrompt Thierry. Mais comment tu sais tout ça ? Je veux dire, je ne t’en ai jamais parlé, même à toi, chérie, poursuit-il en regardant son épouse.

-        Oui, répond Alice en quittant la pièce, tu devais le côtoyer avant qu'on se connaisse.

-        Mais enfin, enchaîne Max, c’est grâce à lui que vous vous être rencontrés, toi et Maman ! C’est Papy qui me l’a raconté et…

-        Max, arrête maintenant, tu veux ? dit son père en haussant la voix. Ça suffit, tes histoires… Tu ne peux pas connaître Franck Sierra, ta mère non plus d'ailleurs… Il s’est suicidé trois mois avant que je la rencontre. Une histoire de cœur, il a laissé une lettre d’explication pour sa famille. Et ses amis.

-        Suicidé ? C’est… Mais je ne comprends pas, je le connais depuis que je suis petit, je suis sûr de ne pas rêver, répond Max en posant son regard sur le magazine, laissé sur la table du salon. Il s'arrête un instant, réfléchit puis s'exclame : "Ça y est, j’y suis ! Le court-circuit, le flash, ma mémoire !"

-        Explique-toi, fils… Je ne te suis pas.

-        Je crois que mon boîtier est défectueux, explique Max, j’ai pris le jus ce matin en voulant envoyer un message vers le passé. Et je pense que cette décharge me permet de conserver mes anciens souvenirs au moment des flashs, quoi.

-        Ne t’emballe pas trop vite, répond Thierry en relisant rapidement l’article. Pourtant… pourtant c’est pas idiot… Je n’arrive pas y à croire…Alors, avant le flash, Franck Sierra était encore vivant et habitait la maison d’en face ? C’est dingue… Donc, toi, tu t’en rappelles et pas nous, c’est ça ? Tu as eu un flash mais il n'a eu aucun effet sur toi ?

-        Oui, dit Max en repensant à la conversation avec son ami... Allez, papa, supplia-t-il, tu dois sauver Franck et Thomas, toi seul peux remettre les choses comme avant !

Thierry prend quelques secondes de réflexion puis dit : « Bon, d’accord, mais d’abord il faut que j’appelle Cormier, c’est le seul qui pourra m’aider… »

Jean-Michel Cormier est l’un des collègues de Thierry à la Brigade centrale. Ils ont fait leur formation ensemble et passé de nombreuses nuits sur le terrain, avant de devenir par la suite hauts gradés et de commander les opérations depuis les bureaux.

Thierry se dirige vers une des pièces de la maison qu’il a aménagée en bureau, suivi par Max, curieux de savoir ce que son père va faire. Max referme la porte derrière eux et part s’installer dans le fauteuil face au bureau. Thierry s’assoit devant son ordinateur et sort un petit téléphone portable d’un des tiroirs du secrétaire.

-        D’où il sort, ce portable ? questionne Max, surpris.

-        C’est le téléphone pour les affaires urgentes, ou comme ici, « spéciales », lui répond Thierry avec un clin d’œil. Mais avant tout, Max, tu dois savoir que ce qu’on va faire, enfin, ce que je vais faire est illégal, Tu ne dois en parler à personne, pas même à Maman, compris ?

-        D’accord, Papa, dit Max, je ne dirai rien, Je te laisse faire.

-        Très bien. Bon, le numéro de Cormier, où est-ce que je l’ai noté ? Ah, il est là.

Thierry pianote le numéro de son collègue sur le téléphone et patiente.

-        Allô, Jean-Mi ? Oui, c’est Thierry… Tu vas bien ? Bon… écoute, je vais faire vite, j’ai une opération code 515 à mettre en route. Je peux passer te voir ?

Max ne peut pas entendre la réponse de Cormier, et reste donc suspendu aux lèvres de son père.

-        OK, reprend Thierry, et dis-moi, avant qu’on se voie, tu peux regarder tout ce que tu as sur Franck Sierra, né le 9 mars 1969 à Pontarlier. Tu as tout noté ? Oui, oui, je t’expliquerai… Je pars de chez moi, je serai chez toi dans un quart d’heure. Salut, Jean-Michel.

Thierry raccroche le téléphone et le replace dans le tiroir en regardant Max.

-        Bon, j’y vais, j’ai besoin de voir certains trucs avec lui. Et dis donc, tu n’as pas quelque chose à faire ce soir, toi ?

-        Pfff, oui, c’est vrai, dit Max. Mais avec Thomas qui ne sera pas là, je ne sais pas si j’ai encore envie de la faire, cette fête.

-        Vas-y, Max, occupe-toi de ta soirée. Si je réussis à faire ce que j’ai prévu, tout se remettra comme avant.

-        OK, je te fais entièrement confiance, Papa, dit Max en sortant du bureau.

* * *

Après une quinzaine de minutes de route, Thierry arrive devant l’appartement des Cormier. Jean-Michel l’accueille devant la porte et l’emmène dans le salon.

-        Cathy a emmené les petites au cinéma cet après-midi, on peut parler sans problème, elles ne seront pas de retour avant une heure. Qu’est-ce qui se passe, Thierry ? C’est quoi cette histoire ?

-        Tu as fait les recherches sur Sierra, comme je te l’ai demandé ?

-        Oui, son nom me disait vaguement quelque chose mais ça m’est revenu en faisant les recherches… Il est mort en 97, ce type. C’est moi que la Brigade a envoyé chez lui pour constater son suicide. Une triste histoire : le gars se fait plaquer par sa copine, au boulot, c’est pas la joie, il craque et avale des médocs… Vraiment moche.

-        Tu ne m’as jamais dit tout ça… dit Thierry tristement. Enfin, c’est moi qui aurais pu être appelé à ta place…

-        Oui, c’est vrai… Mais je savais que vous vous connaissiez, par le judo. Je voulais pas te faire de peine. C’est déjà dur de perdre un copain alors…

-        Je connaissais même pas son job. Il bossait dans quoi ?

-        La compta. Il était commissaire aux comptes, enfin, il débutait dans le métier. Mais j’ai regardé son cursus, c’était un bon. Grande école, stages dans les ministères, tout ça, rien à redire.

-        Écoute, Jean-Michel, ça serait trop long à expliquer, mais il semblerait que le suicide de Sierra ne soit pas, comment dire… prévu. Sur quoi il bossait avant son suicide ? Sur quels dossiers ?

-        Attends, je regarde, répond Cormier en examinant une autre feuille, posée sur son bureau. Alors, c’était en février 1997… Il allait faire une étude complète sur les comptes du groupe Colzamax.

-        Colzamax ? Incroyable…. La coïncidence est quand même troublante, non ? Colzamax, Jean-Michel, ça te parle pas ? Ils ont eu plusieurs procès il y a plus de vingt ans, à cause des affaires de pots de vin et de corruption. Le PDG, Gargès, a toujours échappé à la taule, ce pourri… Donc, Gargès voit arriver un expert-comptable, un jeune en plus, pas un de ceux qu’il a déjà pu acheter par le passé….

-        Wow, t’enflamme pas Thierry, tu vas un peu vite, là ?

-        Non, non, non, écoute-moi… L’expert est nommé, Gargès sent qu’il va tout découvrir et crac, il s’arrange pour…

-        Forcer le gars à se suicider, c’est ça ?

-        En gros, oui. Il faut faire quelque chose, Jean-Michel.

Cormier réfléchit et déclare :

-        OK, Thierry, OK. Je comprends le code 515 maintenant. Tu avais tout prévu en fait ?

-        Oui, mais j’avais besoin de toi pour que ça marche, dit Thierry en sortant une feuille froissée de sa poche. J’ai noté le message là-dessus avec la date d’envoi. Je commence ?

-        Oui, vas-y, j’enverrai le mien après.

Thierry sort un boîtier de la poche intérieure de son blouson et tape la date du 30 janvier 1997. La feuille froissée sous les yeux, il approche sa bouche du petit micro et pose son index sur le petit capteur.

 

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2 février 2012 4 02 /02 /février /2012 19:19
 

Après être resté une dizaine de minutes avec Thomas sur le seuil de la maison, Max s’apprête à partir quand Thomas lui dit :

-  Une dernière chose, Max. Tu m’as demandé tout à l’heure ce qu’il se passerait si tes parents se séparaient et toutes les conséquences que ça pourrait avoir. En fait, la mémoire de toutes les personnes qui te connaissent va être modifiée. Au moment de cette modification, ces personnes verront un flash, qui va durer une fraction de seconde, quasiment imperceptible. Donc si un jour, un flash te passe devant les yeux, tu sauras que ta mémoire a été modifiée, mais tu ne sauras jamais ce qui a changé…

-  OK, j’ai compris. Bon, on se voit ce soir, rendez-vous à la salle des fêtes vers 20 heures. Ça te va ?

-  Oui, pas de souci. On va être combien au final ?

-  Euh… environ une trentaine, je crois. Y’a toujours des gens qui répondent au dernier moment…

-  Je pense que ça va être une super soirée. À ce soir, Max et encore bon anniversaire !

-  Merci et à ce soir.. Et merci aussi pour tes explications...

-  Bah, de rien. Toi aussi, sûrement un jour, tu auras à parler de tout ça à quelqu’un…

Max salue Thomas et reprend son vélo, tout en pensant à leur conversation. Il a l’impression d’avoir pris dix ans en une heure. Tout a un sens nouveau à présent : les messes basses de ses parents, les sourires de son grand-père, les informations optimistes des journaux télévisés…

En arrivant chez lui, Max file immédiatement dans sa chambre pour tenter de s’approprier plus encore le boîtier. Assis sur son lit, il décide de s’envoyer un message vers le passé, celui lui disant d’aller voir Thomas plutôt que de lire le manuel d’utilisation, finalement une excellente idée qu’il avait eue. Il rentre la date sur le clavier et appuie sur le capteur. Une décharge électrique lui parcourt alors le bras, depuis le boîtier de métal. Max pousse un cri et lâche immédiatement l’appareil, qui tombe sur la couette.

« Saleté d’engin ! J’ai chopé le jus… Sûrement un court-circuit… Je demanderai à Thomas de m’aider à le réparer, il a l’habitude de démonter tout ce qui lui passe sous la main. »

Los du déjeuner, en discutant avec ses parents, Max en apprend un peu plus encore sur l’utilisation à l’échelle mondiale du dispositif. Théoriquement, chaque être humain arrivant à l’âge adulte peut disposer de son boîtier, et lui seul décide ensuite de s’en servir ou pas. Si beaucoup l’ont adopté immédiatement, certaines personnes, pour des raisons religieuses, culturelles ou parfois par peur du futur, ont décidé de se passer des ondes de Douchebaiev, souvent de façon spectaculaire, en organisant des rassemblements où ils détruisaient leurs boîtiers.

L’argent n’a jamais été un obstacle pour obtenir le boîtier : peu de temps après l’annonce de la découverte, l’Allemagne, en échange d’un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU, a proposé de produire le dispositif complet, sans aucune contrepartie financière. Demande d’autant plus facilement validée par les Nations Unies que les membres du Conseil avaient reçu dans la foulée un message du futur leur proposant cette solution, toujours d’actualité plusieurs décennies plus tard.

Le monde avait considérablement changé en très peu de temps, grâce à l’invention du physicien russe. À l’aide de messages ciblés depuis l’avenir, les chercheurs dans de multiples domaines scientifiques avaient réalisé des progrès immenses, améliorant la vie quotidienne des hommes, que ce soit en médecine, en physique ou dans le domaine des énergies. Le pétrole avait définitivement été abandonné au profit des énergies renouvelables, utilisées de façon optimale grâce aux connaissances transmises du futur. Les voitures électriques avaient une autonomie de plus de cinq mille kilomètres et les avions étaient équipés de réacteurs à hydrogène. Les chimistes avaient même réussi à recréer une partie de la couche d’ozone et l’effet de serre se dissipait peu à peu.

Max se dit qu’il y a désormais deux caps dans la vie : la découverte de la légende du Père Noël, qui fait quitter le monde de l’enfance et depuis quelques années, la découverte des ondes de Douchebaiev, qui fait entrer de plain-pied dans le monde adulte. Entre les deux, on pense être un « grand » mais on est loin de s’imaginer la réalité du monde tel qu’il est vraiment.

Malgré le peu de recrutement dans les forces de police, Max n’a pas souhaité changer d’objectif : devenir inspecteur à la police criminelle. Influencé par les séries américaines, qui montrent toujours le monde comme il était avant l’apparition des boîtiers, avec des meurtres, des indices et des enquêtes policières qui finissent toujours par déboucher sur l’arrestation du coupable. Il avait même commencé à apprendre le krav-maga, l’art martial de la police israélienne, comme Tony de Sousa, son personnage préféré de la série « Flic à tout prix ». Et puis, tout simplement, il voulait suivre les traces de son père, commissaire principal à la Brigade criminelle.

-  Au fait, Max, pour l’organisation de ce soir, c’est bon ?

La voix paternelle sort Max de ses rêveries de courses-poursuites, d’enquêtes et d’interrogatoires musclés.

-  Euh, oui, je crois que… Bon, je vais aller faire un tour à la salle pour tout vérifier…

-  Si tu as besoin d’aide, tu nous dis, d’accord ? Je suppose que Thomas Sierra et le reste de la bande vont te filer un coup de main pour gérer la soirée, non ?

-  Ouais, mais merci p’pa. Ça va aller.

Max prend à nouveau son vélo et file vers le centre-ville. Après cinq minutes de route, il arrive devant l’entrée de la salle des fêtes et accroche son vélo au lampadaire le plus proche. Il ouvre la porte et entre dans la salle qu’il a décorée, avec l’aide de ses parents et de ses amis les plus proches. Max fait un tour complet et vérifie une dernière fois le tout : ballons, guirlandes et la table de banquet déjà dressée, tout lui semble parfait. Tout à coup, au moment de repartir vers la maison, un voile blanc lui passe devant les yeux, de façon subliminale. Max se demande même s’il ne l’a pas rêvé.

« Le flash ! Ma mémoire a été modifiée… Mais... qu’est-ce qui a changé...? »

Sur le chemin du retour, tout en rejoignant son quartier, Max s’imagine le changement qui a pu entraîner ce flash. Mais comment pourrait-il le savoir, il aurait beau chercher, il ne trouverait jamais ce qui avait été modifié.

En arrivant chez lui, Max va dans la bibliothèque familiale pour tenter de réparer son boîtier défectueux. Thierry Bernal, le père de Max, adore les sciences et a raté de peu sa vocation, la police scientifique. De ce fait, il s’intéresse beaucoup à la physique, la biologie et la chimie et va prendre le café dès qu’il le peut dans le département dédié de la Brigade centrale. Il est également abonné à plusieurs revues scientifiques. À force de chercher, Max tombe sur un article de « Sciences in the World » qui retient son attention :

« Après plusieurs mois de recherche et d’expérimentations menées par les équipes des professeurs Namizaki et Smithson de Minneapolis sur la mémoire humaine, il semblerait que les personnes soumises à de fortes décharges électriques développent par la suite des capacités en terme de gestion de la mémoire. Le professeur Smithson cite le cas d’un ouvrier mexicain ayant reçu sur un chantier une décharge de 25 000 volts. Cet homme a depuis cet accident une mémoire extraordinaire, avec des souvenirs détaillés de chaque instant, même lors de sa petite enfance. Les scientifiques s’accordent à dire que… »

Max prend le magazine et descend les escaliers à toute allure.

-  Papa, tu savais ce truc ? dit Max en montrant l’article à son père. Je comprends pas très bien. Ce Mexicain a des nouveaux souvenirs en plus en mémoire ?

-  Non, dit Thierry après avoir terminé de lire, il les avait toujours, mais ils étaient enfouis au plus profond de sa mémoire, parce que le cerveau avait privilégié les souvenirs plus récents ou les plus marquants. À présent, sa mémoire a une capacité tellement prodigieuse qu’il a tous ses souvenirs en tête de façon précise.

-  Ouah, quand je vais raconter ça à Thomas, il va pas me croire… En plus j’ai pris une petite décharge avec le boîtier et…

-  Thomas, le coupa son père d’un air surpris, qui est-ce ?

 

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30 janvier 2012 1 30 /01 /janvier /2012 23:19

Max regarde Thomas, qui a tout à coup pris un air sombre. Tout en regardant par la fenêtre du salon, il dit gravement :

- Ce que je viens de t’apprendre sur les ondes de Douchebaiev, le fait de communiquer avec toi-même à travers le temps, tout ça, c’est rien à côté de ce que je vais t’expliquer maintenant, Max.
- Tu m’inquiètes, là… répond Max en s'enfonçant un peu plus dans son fauteuil. Vas-y, je t’écoute.
- Pffff, par où commencer ? Les « adultes », les gens de plus de dix-huit ans quoi, utilisent leur dispositif au quotidien, pour un détail ou pour des choses plus importantes. Qu’est-ce que tu penses faire avec ce truc ?
- Je sais pas encore trop… Je sais déjà que ma fête de ce soir va bien se passer.
- Tu as déjà reçu beaucoup de messages du futur ?
- Non, juste ça et deux fois de venir te voir très vite.
- Bon, tu as l’air d’être assez raisonnable. Fred, le copain de ma sœur, il s’en sert tous les jours : pour s’habiller, pour les films qu’ils vont voir au ciné, les voyages, les sorties. Tous les soirs, il s’envoie un compte-rendu de sa journée avec les bons et mauvais points. Il n’a plus aucune surprise dans sa vie de tous les jours. Mais heureusement, tout le monde n’est pas comme ça…
- Toi, par exemple, tu t’en sers quand ?
- Ben, je ne me suis pas encore envoyé de messages, mais j’ai déjà évité un mois de plâtre.
- Un mois de plâtre ?
- Oui, hier matin, en me levant, un message qui m’a dit d’aller au lycée à pied et pas en vélo.
- Ouah, tu avais eu un accident et tu t’es envoyé un message de l’hôpital ?
- Oui, c’est ça. Apparemment, une camionnette qui avait grillé un feu rouge, et j’avais eu de la chance, juste une jambe cassée. Ce qui est amusant, c’est que mes parents m’avaient aussi demandé de ne pas prendre mon vélo ce matin-là… avec des arguments beaucoup plus farfelus, forcément...
- Hé oui, ils se sont envoyés un message, vu qu’ils ne peuvent pas communiquer avec toi. Mais alors, mes parents…

Max prend son verre de jus d’orange, le termine d’un trait et murmure en le reposant :

- Mais alors… mais alors…. Tout s’explique !
- De quoi tu parles ?
- Le bac ! Avant les fêtes, c’était la Gestapo, l’œil de Moscou, j’étais surveillé comme le lait sur le feu et depuis Noël, c’est beaucoup plus cool…
- Et tu en conclus quoi ? lui demande Thomas avec un air malicieux.
- Ben, que je vais l’avoir et qu’ils n’ont plus de soucis à se faire pour ça… Ah, la journée s’annonce bien, dit Max, rayonnant.
- Fais gaffe, Max, pense au libre arbitre. Si tu penses avoir le bac et que tu ne fous plus rien en cours, tu n’iras même pas au rattrapage.
- Mais alors, ça veut dire quoi ?
- Ça veut dire simplement que si tu continues à bosser comme tu le fais, tu l’auras le bac. Seulement si tu continues comme ça… C’est pour ça que tes parents relâchent la pression. Mais les ondes de Douchebaiev sont utilisées à plus grande échelle. On nous bassine à la télé d’un monde sans criminalité. Mais pourquoi ?
- Mais oui, répond Max avec un large sourire, les flics s’envoient des messages et évitent les crimes !
- Évitent, pas vraiment. Dans la mesure du possible, ils essaient d’attraper le coupable en flagrant délit, ça facilite l’inculpation. Mais depuis la mise en place du dispositif, la délinquance a quasiment disparu. Quel intérêt de commettre un crime si tu es sûr de te faire coincer à tous les coups ? Mais il y a encore des choses que la police ne peut pas éviter. Les disparitions, les suicides…  Bon, sinon, comme pour moi, les gens évitent les accidents, d’où une sécurité sur les routes au maximum. C’est pareil pour les trains, les bus, l’avion. Ça ne te rappelle rien ?
- Mais oui, dit Max, ça me revient. Notre voyage scolaire aux Etats-Unis, le vol a été retardé d’une journée ! Ça veut dire que…  Max devient pâle et ferme les yeux. Oh, c’est pas vrai !
- Si, enchaîne Thomas, le visage grave. Mes parents m’en ont parlé la semaine dernière. Le vol 413 s’est écrasé à l’atterrissage à New York, un problème d’assiette apparemment, personne ne s'en est sorti. Mais ce ne sont pas les messages des parents qui ont changé les choses ; la compagnie aérienne a une procédure pour ce « type » de problème. Le directeur de la sécurité aérienne s’est envoyé un message en demandant de vérifier l’avion et de retarder le vol, et voilà, on est toujours là… Bon, c’est pas toujours aussi glauque. Non seulement on peut sauver des vies, mais on peut aussi prolonger celles des plus âgés et diagnostiquer très vite les maladies. Mon grand-père a déjà survécu à deux cancers et une tumeur… C’est pour ça que l’espérance de vie a grimpé depuis quelques années. Malheureusement, à l’inverse, la natalité a baissé…
- Pourquoi ? Je saisis pas.
- C’est simple. Deux personnes se rencontrent, s’aiment, se mettent en couple. Si l’histoire dure, tant mieux mais s’il y a séparation ou divorce, un message vers le passé et hop, pas de rencontre. S’il y avait des enfants, ils sont effacés de la réalité.

Max réfléchit un instant et dit : « Mais si, demain, mes parents divorcent et décident de tout recommencer, tu garderas un souvenir de moi ? »

- Hélas, non… Ma mémoire va être modifiée à tel point que pour moi, tu n’auras tout simplement jamais existé… Mais rassure-toi, si nous sommes là, c’est que le mariage de nos parents est plus que solide. Tu connais des couples dans ton entourage qui sont en plein divorce ?
- Non, c'est vrai, tu as raison. Et pour le boulot, c’est pareil ?
- Oui et non. Si tu n’utilises jamais les ondes, tu vas tracer ta route avec des surprises, des embuches, mais si tu t’en sers, ça sera plus simple… Tout est question de libre arbitre. Mais souvent, les gens évitent les mauvaises expériences. Écoute, je veux pas trop te remplir la tête, surtout aujourd’hui. Va prendre l’air et prépare tranquillement ta fête, puisqu’elle va bien se passer, lui dit Thomas avec un clin d’œil.
- En tout cas, merci pour tout, Thomas… dit Max en se levant et en prenant son sac à dos. Tu as raison, je vais prendre l’air et…

Attends encore deux minutes, ne pars pas tout de suite…

Max se rassoit et regarde Thomas, qui de toute évidence, a compris la volte-face de son ami. A la limite du fou rire, il lui répond :
- Tu veux connaître les joies d’une minerve pendant deux semaines ou tu préfères une deuxième tournée de jus d’orange ?

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30 janvier 2012 1 30 /01 /janvier /2012 22:05

Max suit Thomas qui l’amène dans le grand salon de la maison. Une pièce que Max connaît par cœur, après y avoir passé de nombreux week-ends et mercredi après-midi, avec Thomas et d’autres copains de leur bande, à regarder séries télé et DVD. Max s’installe dans son canapé favori, un fauteuil club en cuir marron. Thomas part en cuisine et revient peu de temps après avec une bouteille de jus de fruits et deux verres.

-        Tu vas en avoir besoin, dit-il en posant le tout sur la table basse et en s’installant dans le large fauteuil, juste en face de Max. Avant que j’oublie, bon anniversaire ! C’est le grand jour aujourd’hui…

-        Ouais, tu vas me prendre pour un fou, Thomas, mais depuis que je me suis levé ce matin…

-        …tu entends ta propre voix dans ta tête, enchaîna Thomas avec un large sourire. C’est normal. Je vais t’expliquer. Tu te rappelles d’Igor Douchebaiev ?

-        Le physicien russe ? Il est au programme de physique cette année, non, les ondes de Douchebaiev, ça me dit quelque chose…

-        Oui, entre autres, mais ce n’est pas sa plus grande découverte. En 2013, en cherchant justement à créer naturellement ces ondes, il a découvert quelque chose d’extraordinaire.

-        Ah, dit Max, quoi donc ?

-        Hé bien, ces ondes ont la propriété de se déplacer beaucoup plus vite que la lumière. Et l’une des conséquences principales de cette vitesse supraluminique, c’est qu’elles peuvent « remonter » le temps, si on peut dire… Douchebaiev y a travaillé pendant des mois et il a mis au point un système qui permet de canaliser ces ondes et de les faire voyager vers un point précis du passé.

-        Des ondes qui voyagent à travers le temps ? Quel intérêt et quel rapport avec la voix que j’entends depuis ce matin ?

-        Deux secondes, j’y viens. Les ondes peuvent être reliées à plein de choses, en particulier la voix, pense au fonctionnement du téléphone, par exemple.

-        Ah, d’accord. Donc, c’est ma voix, à travers les fameuses ondes voyageuses, qui arrive dans ma tête. Ce qui veut dire que la personne qui m’envoie ces ondes, c’est…

Thomas le regarde, le laissant visiblement prononcer lui-même la fin de sa phrase.

-        Cette personne, c’est moi, mais dans le futur.

-        Exactement. C’est ce qu’on appelle l’effet Douchebaiev, mon ami.

-        D’accord, mais pourquoi je n’ai pas entendu ta voix ce matin qui me disait de passer te voir ?

-        C’est la première loi de l’effet Douchebaiev. Tu ne peux communiquer qu’avec toi-même, et avec personne d‘autre et tu ne pourras entendre que ta propre voix, jamais celle de quelqu’un autre.

-        La première loi ? Parce qu’il y en a d’autres ?

-        Oui, il y en a trois. La deuxième loi dit que les ondes de Douchebaiev peuvent voyager vers le passé mais jamais vers le futur. C’est un déplacement à sens unique si tu préfères.

-        Et la troisième loi, c’est lié à mon âge, non ?

-        Oui, exactement, mais c’est aussi lié au dispositif d’émission des ondes. Tu as du le recevoir chez toi, non ? C’est une boîte en métal…

-        Ouais, mais je ne savais pas trop à quoi ça servait, puisque mon « moi » futur » m’a dit de venir te voir plutôt que de lire le manuel d’utilisation.

-        Bon, dit Thomas en éclatant de rire. Tu l’as amené, à tout hasard ?

-        Oui, dit Max en sortant la boîte métallique de son sac à dos et en la tendant à Thomas.

Thomas ouvre la boîte, en sort le petit boîtier et vient s’asseoir près de Max.

-        Tu vois, grâce au clavier, tu tapes le jour et l’heure à laquelle tu veux envoyer ton message. Une fois que la date s’est affichée sur l’écran, tu utilises le petit micro qui est là pour parler. Et voilà.

-        Mais si je te prends ton boîtier, je vais pouvoir communiquer avec ton toi passé ?

-        Hé non, ça serait contraire à la première loi, n’oublie pas. Quand tu t’apprêtes à parler, après avoir rentré la date au clavier, tu dois aussi appuyer sur ce petit capteur digital.

Max inspecte le boîtier, le retourne sans voir le capteur dont parle son ami. Thomas lui prend  alors l’appareil des mains et lui montre avec son index le coin inférieur gauche, juste sous le clavier.

-        Le capteur est programmé pour ne fonctionner qu’avec tes empreintes digitales. Si quelqu’un d’autre veut l’utiliser et y met son doigt, il s’éteint.

-        Et si je mets mon empreinte sur le capteur mais que quelqu’un d’autre parle à ma place ?

-        Tu regardes trop les séries policières… Ça viole toujours la première loi. Je sais pas pourquoi, mais il n’y a qu’avec ta voix et seulement ta voix que l’appareil va fonctionner. Comme les empreintes digitales, chaque voix est unique et son onde est caractéristique. Tu veux l’essayer ?

-        Ah ouais, vas-y, montre-moi.

Thomas allume l’appareil et le donne à Max, qui tape sur le clavier la date du 15 janvier 2017, 10h00. Il appuie sur le capteur puis dit près du micro : « Ouais mon pote, dix-huit ans. ».

-        C’est la première phrase que tu as entendue ce matin, c’est ça ? dit Thomas, en prenant son verre de jus d’orange.

-        Oui, je ne savais pas quoi dire d’autre. Mais si j’avais dit autre chose, qu’est-ce qui se serait passé ?

-        Rien de spécial, ta mémoire se serait immédiatement modifiée pour intégrer le souvenir de cette phrase précise mais tu aurais quand même conservé la version « antérieure » dans ta mémoire. Moi, je me suis dit « Coucou, ça va ? », t’imagines, c’est encore moins original… Il y a autre chose que tu dois savoir. La troisième loi de Douchebaiev dit que les ondes ne peuvent pas voyager au delà de tes dix-huit ans. C’est impossible, tu verras que l’appareil ne remonte pas plus loin que le jour de tes dix-huit ans, aujourd’hui pour toi. Ça a été imposé par les Nations Unies pour préserver les enfants.

-        Les Nations Unies ? dit Max, surpris. Ah, c’est donc pour ça que l’emblème est sur le dessus de la boîte. Mais pourquoi les Nations Unies, tu veux dire que tous les adultes dans le monde ont ce truc ?

Thomas regarde Max d’un air grave. Posant son verre sur la table, il lui répond :

-        Le monde dans lequel on vit n’est pas du tout comme tu peux l’imaginer…

 

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26 janvier 2012 4 26 /01 /janvier /2012 18:45

-        Baisse ton arme, Tony !

-        Je peux pas, Jack, je peux plus reculer !

-        On peut encore négocier…

Allongé, dans le canapé du salon, Max est absorbé par le nouvel écran télé, ramené par son père depuis quelques jours. Fan des séries américaines, il en regarde entre deux et trois épisodes par jour, quand ses obligations scolaires le lui permettent. Avec le bac à la fin de l’année, lui et ses résultats mensuels sont sous haute surveillance. Mais bizarrement, l’étreinte familiale s’est relâchée après les fêtes de Noël, sans véritable explication. Peut-être pour le laisser respirer à l’approche de la grande fête de demain, qui le fera passer du statut d’ado à jeune adulte. Ce cap des dix-huit ans fait un peu peur à Max, qui a vu pas mal de ses amis, jeunes majeurs maintenant, changer du tout au tout après leur anniversaire. Ils sont devenus plus sérieux, plus sombres parfois, et aucun d’entre eux n’a su expliquer à Max la véritable raison de cette volte-face.

« Bonsoir à tous, voici votre journal télévisé. Parmi les principales actualités aujourd’hui, l’annonce de l’évacuation préventive des villes de Saint-Flot et La Gache-sur-Mer en Vendée, en vue d’un risque majeur d’inondation, évacuation prévue ce samedi. »

Max s’imagine ces deux villages, vides, sans aucun habitant et l’eau qui s’infiltre dans chaque maison, chaque pièce… Brrrr, heureusement que les calculateurs de la météo arrivent à présent à alerter longtemps à l’avance les autorités, de nombreuses inondations ont ainsi pu être évitées depuis plusieurs années. Le grand-père de Max lui a un jour montré de vieilles photos, où l’on voyait des rivières en crue, des maisons où seules les toitures émergeaient des flots et des pompiers en barque venir chercher des habitants effondrés qui avaient tout perdu. Et Papy qui finissait toujours par cette petite phrase : « Mais ça, c’était avant… ».

-        Allez, fils, il est tard, et s’il y a bien un jour où il faut être en forme, c’est le jour de ses dix-huit ans !  Va te coucher.

-        Ouais, p’pa, j’y vais, ça me tarde vraiment d’être à demain. Bonne nuit !

* * *

« Salut à tous, il est dix heures en ce 15 janvier 2017. Pour démarrer cette nouvelle heure, un morceau de la nouvelle star de la pop, Rebecca Martin… »

Max a juste le temps d’éteindre son radio-réveil avant le début de la chanson. De la pop, passe encore, mais Rebecca Martin, non merci, une Barbie colorée qui chante en play-back sur une bande  son techno, c’est au-dessus de ses forces. Et puis, aujourd’hui, c’est le jour J. Le jour de ses dix-huit ans. Sa mère lui avait raconté qu’Il était né exactement à 9h58, il avait donc officiellement dix-huit ans depuis trois minutes.

Et ouais, mon pote, dix-huit ans…

-        Hein, quoi, qui c’est ? dit Max, surpris, en inspectant sa chambre. J’entends des voix ou quoi ?

Pourtant, il avait entendu une voix, qui ne venait pas d’un coin de sa chambre, mais plutôt de l’intérieur de sa tête. Et non seulement il l’avait entendu distinctement, mais un détail encore plus étrange l’avait frappé : cette voix, c’était la sienne…

Il finit par se lever et s’habiller rapidement pour descendre prendre son petit déjeuner. En bas, dans le salon, son père lit tranquillement le journal, avec Toby, le chien de la famille, à ses pieds. A la vue de Max, le vieux labrador se lève avec difficulté et vient chercher quelques caresses. Max lui tapote affectueusement le flanc et se dirige dans la cuisine.

Sur la table, près de son bol et de son pot de céréales préférées, deux paquets, soigneusement emballés, l’attendent. Encore un coup de son père, toujours prêt à faire une blague de temps en temps. Max s’empare du plus gros paquet, de la taille d’une boîte à chaussures et l’ouvre rapidement. Il découvre le coffret complet de « Flic à tout prix », sa série préférée, avec les 7 saisons et plein de bonus. Un cadeau venu des États-Unis puisque la télé française n’en est encore qu’à la saison 4. L’autre paquet est beaucoup plus petit et bien plus léger. Max le prend dans ses mains, le soupèse puis le repose pour commencer à défaire l’emballage. Il découvre une boîte en fer, lisse et assez sobre. Sur le dessus, l’emblème des Nations Unies et son nom complet, Max André Bernal. A l’intérieur, un boîtier comportant un clavier numérique, un écran digital et un micro, assez petits pour tenir dans la main. Sous ce boîtier, Max trouve ce qu’il pense être le mode d’emploi de cet accessoire dont il ignore complètement l’utilisation.

Cherche pas plus loin, va chez Thomas, il t’expliquera.

-        Quoi, chez Thomas Sierra, le voisin ? Pffff, qu’est-ce qui m’arrive, je parle tout seul maintenant. Bon, je verrai ça après le p’tit déj’… et un épisode de « Flic à tout prix ».

Après deux épisodes de sa série préférée, Max décide d’aller prendre l’air dans le parc, près de la maison. Mais au moment de monter sur son vélo…

Va pas au parc, va plutôt chez Thomas…

Cette voix dans sa tête, sa propre voix… Il devient fou, complètement fou, c’est certain. Mais bon, c’est vrai que ça serait sympa d’aller voir Thomas. Thomas est son meilleur ami, voisin d’en face et dans sa classe depuis la cinquième, c’est dire. Max repense à la fête des dix-huit ans de Thomas, le mois dernier, avec une quinzaine de leurs amis dans une salle de la ville. Un super souvenir, pourvu que la fête de ce soir soit aussi réussie.

Ta fête sera réussie, mais avant, écoute bien ce que Thomas va te raconter.

Complètement déboussolé et pâle comme un linge, Max arrive chez son ami, pose son vélo près de la porte du garage et se dirige vers la porte de la maison. Thomas ouvre la porte au moment où Max appuie sur la sonnette.

-        Ah, Max, entre, je t’attendais.

-        Mais, je… Je ne t’avais pas prévenu que…

-        Je sais, je sais, entre et assieds-toi, je vais tout t’expliquer.

 

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